Synopsis

Sous la rassurante pluie anglaise, il n’y aurait plus jamais de ces beuglements, plus de Paula pour lui triturer l’âme avec son poignard luisant comme un faux jour de soleil, plus de projet d’avenir que l’on fait sans arrêt, compulsivement, parce qu’on a désespérément envie de vivre. Mais vivre quoi? Durant l’année du retour en Angleterre, Peter ne le savait même plus. Il n’était qu’une plaie ne demandant qu’à suppurer en paix, un vieil enfant ne demandant qu’à dormir. Il avait retrouvé le monde apaisant des rêves, même si c’était des cauchemars. Enfin Paula le laissait tranquille et il voyageait sans peine, délivré de sa présence. Il revivait ses années de Légion, il riait, il courait, il escaladait, il franchissait tous les marais et les fossés et les obstacles qu’il était incapable de surmonter dans la vie. Mais lorsqu’il se réveillait, il ouvrait les yeux sur ce qui était. Seul avec lui-même, au début d’une vie nouvelle dont il serait entièrement responsable. Car il commençait vaguement à comprendre que sa mère l’avait mis au monde le 6 avril 1964 sans jamais lui avoir donné naissance…

Peter sentait qu’il n’était pas aimé. Il sentait aussi son jumeau, John, l'amour qu'il avait pour John, cet amour qui lui faisait mal au ventre quand John était malade, quand John réussissait mieux que lui à l’école et que leurs parents le félicitaient, et quand il partait jouer de son côté, avec ses amis à lui. Peter pressentait déjà que son existence serait un chaos, en comparaison de celle de John. Ils étaient dans la même chambre, dans le même lit, mais déjà opposés par une espèce de fatalité bien plus puissante que l’amour qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. Dans le noir, Peter épiait le souffle de John. Lorsque son frère sombrait dans le sommeil, son chagrin prenait son cœur tout entier. Il ne comprenait pas pourquoi toute cette injustice s’abattait sur lui, et il s’endormait, submergé de désespoir, convaincu qu’il serait vain d’appeler John au secours car John ne pourrait pas échapper à sa propre condition, pas plus que lui ne pourrait être délivré de la sienne. Pour changer la face de son existence, il n’y avait qu’une seule solution : faire, un jour, comme Peter Pan, quelque chose d’extraordinaire, un truc prodigieux, mais qui, pour l’instant, dépassait complètement son imagination.

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