Texte de Marie Desjardins
Date de parution : 27 mars 2017Wow, un nouvel album de Deep Purple ! La perspective de l’entendre pour la première fois est un trip en soi. On reconnaît immédiatement le son et cette virtuosité rappelant Jon Lord. Une facture impeccable… Mais on s’interroge : où est le véritable élan de génie – la magie ? Peut-être est-ce trop demander à ceux, qui, en France, se font appeler les « papys du rock »…
Enregistré en février 2016 à Nashville, Infinite est l’ultime CD du légendaire Deep Purple, l’un des plus grands bands de l’histoire du rock. Le titre de l’album en dit long : de toute évidence, DP répugne à disparaître (obligation depuis les malaises d’Ian Paice, le plus jeune du groupe à l’origine). L’équipe veut laisser son empreinte, une trace éternelle.
Le groupe tire sa révérence en se transformant déjà en spectre. Puissant. L’évoque (entre autres) l’esthétique du graphisme du nom du band lui-même, et de la thématique, très réussies : un brise-glace dessine sur des eaux glaciales le logo du band. Une atmosphère polaire, de bout du monde – de fin et d’enfer, comme le laisse entendre le titre de la pièce principale : « Time for Bedlam ». Cependant, même en écoutant attentivement, on ne pige pas trop de quel chahut il s’agit. Les incantations caverneuses de l’introduction, vaguement trash et blacksabbathiennes, démoniaques et déjà vues, conduisent à une espèce de confession de condamné fortement orchestrée et soutenue par la voix identifiable entre toutes du très talentueux chanteur.
Inutile toutefois (et forcément ; le contraire serait rêver en couleurs) de chercher dans ce dernier album, en dépit de l’excitation de découvrir ce que le band propose cette fois – en guise d’adieu –, l’inimitable murmure s’achevant dans une envoûtante plainte de « Child in Time », cette pièce sublime inspirée d’un plagiat, ou de « Lazy », parfaitement en phase avec le pouls d’une époque bouleversée et bouleversante – l’époque elle-même – et même de « Perfect Strangers » qui demeure un petit chef-d’œuvre du simple fait de son authenticité, paroles et arrangements reflétant impeccablement la personnalité même de Deep Purple.
Pour ce dernier CD de leur cinquantième année d’existence, tous les ingrédients de la recette y sont : c’est bien Gillan qu’on entend, la basse de Glover, le beat saccadé de Paice, la particularité de l’orchestration de DP première mouture – au fond, c’est bon ! – et pourtant… L’âme, la vraie, s’est dissipée. Impossible d’être vraiment surpris, et encore moins transporté par ce simulacre de chahut de la dernière heure. Ça sent le formatage. Le professionnalisme lisse. La recette mathématique. La volonté d’être dans le ton et à la fois de participer de tous les courants.
Sur le Web, un des nombreux commentateurs y reconnaît une pièce de Pink Floyd, un autre déplore l’effort du groupe pour arriver à pas grand-chose. Le band avait fait mieux avec « Rapture of the Deep » (avant-dernier album) dans lequel on le sentait encore vibrer, et surtout, selon un autre fan, avec l’album précédent, marqué par la personnalité de Steve Morse.
Jacques Dulac, collaborateur de Pop Rock, nuance avec raison : « J’ai plutôt l’impression que le reste de l’album va être meilleur, déclare-t-il. Sans se réinventer, déclare-t-il, le groupe a toujours la flamme. Et risque encore de surprendre ! » En effet, « All I got is you » est plus authentique. Cela dit, on lui reproche d’être une copie conforme d’un hit de l’album précédent. Comment trancher ? Il n’y a qu’une seule vérité : chacun ses goûts.
Un reste de jeunesse ?
Deep Purple est bien entouré, dirigé, produit. Et Bob Ezrin, ainsi que le précise Dulac avec confiance, est toujours à la réalisation. Le titre de l’album est annonciateur de ce qui, vraisemblablement, va se passer dans l’avenir. Le band va survivre, voire renaître de ses cendres lorsqu’il aura disparu, si on en croit la remarque spontanée et enthousiaste de Malcolm D., guitariste, bassiste, drummer des ex Shutters, groupe de Hudson rappelant les premiers de Gillan, qui alors se faisait appeler Jess.
« C’est bon ! déclare-t-il. C’est nouveau. Je n’ai jamais entendu quelque chose comme ça. Comme un mix de métal, de synthé et de rock. C’est cool ! »
Malcolm, vingt et un ans, n’est que l’un des milliers et des milliers de jeunes acclamant le band mythique à qui, peut-être, tout compte fait, Infinite est dédié…
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